De nos jours, l’entrepreneuriat est devenu un terme qui fait parler de lui. Partout dans le monde, il s’organise des conférences, des ateliers, des colloques, des séminaires, des journées de réflexion, et que sais-je encore… sur l’entrepreneuriat. Il existe même un réseau mondial d’entrepreneurs (Global Entrepreneurship Network, GEN), qui organise annuellement une grande messe de l’entrepreneuriat (Global Enterpreneurship Congress, GEC). Pour cette année 2018, la conférence qui en est à sa 10ème édition, se tient à Instanbul, en Turquie, du 16 au 19 avril. Ce congrès réunit des entrepreneurs, investisseurs, chercheurs, décideurs et autres porteurs de projets et start-ups, en provenance des quatre coins de la planète, pour identifier de nouvelles façons d’aider les promoteurs à lancer des initiatives et projets et les faire grandir (pour plus de détails, voir www.genglobal.org/gec).

Cette tendance mondiale n’a pas épargné nos pays africains. Dans nos villes d’aujourd’hui souvent marquées par le chômage, surtout celui des jeunes, ainsi que d’autres défis de la vie quotidienne, l’entrepreneuriat offre une possibilité de trouver autre chose à faire, à défaut de se trouver un emploi stable et plus ou moins bien rémunéré. Ainsi, çà et là, foisonnent des calicots ou banderoles, des affiches, annonçant la prochaine rencontre d’affaires sur l’entrepreneuriat. C’est vraiment ce que d’autres appellent la « coqueluche du moment ». Mais que peut-il bien y avoir derrière toute cette animation ? ? Est-ce simplement un autre effet de mode, une autre tendance, comme on en rencontre bien souvent par ici ? Car en effet, s’il y a quelque chose qui est bien commun dans nos villes, c’est de voir les gens s’engouffrer dans la dernière idée du moment. Dès que quelqu’un va à Dubaï, Dubaï devient la destination la plus prisée ; que quelqu’un ouvre une chaîne de radio/télé, il n’y a désormais plus de fréquences libres, car presque toutes les fréquences sont occupées ; que quelqu’un commence à importer les voitures du Japon et les revendre au pays ? Tous les commerçants se lancent dans ce nouveau débouché…

Au regard de tout ceci je réalise combien c’est une bénédiction en soi que d’avoir juste une idée. Or les nouvelles idées ne courent pas les rues. Il y a à peu près dix ans quand je me rendais en Chine pour la première fois, quelqu’un me donnait cet avertissement : « Attention à ne pas divulguer ce que tu vas acheter, car il se trouve là-bas des gens qui ont des moyens, mais sont à l’affût de nouveaux créneaux. Ils ont des moyens importants, mais n’ont aucune idée de comment les investir ni quoi en faire ! Dès qu’ils découvrent ce que tu es venu chercher, ils comprennent alors que ce produit est donc en demande au pays, et ils s’y investissent ».

 

L’entrepreneuriat : ce qu’il n’est pas ; ce qu’il est

Il y a quelques années, quand on parlait d’entrepreneurs, il ne s’agissait que des personnes et/ou organisations qui travaillent dans les domaines comme la construction et travaux publics. L’entrepreneur était défini comme une « personne qui, pour autrui, exécute ou fait exécuter des travaux de construction ou fait ou présente des soumissions, personnellement ou par personne interposée, dans le but d’exécuter, à son profit, de tels travaux. » Mais aujourd’hui, le terme a pris une toute autre tournure.

L’entrepreneuriat n’est pas de la débrouillardise.

Ce n’est pas quelque chose que l’on fait parce que l’on n’a pas trouvé du travail. J’ai entendu une fois des journalistes d’un grand média dire que ceux qui se lancent dans l’entrepreneuriat le font par manque de se retrouver casés quelque part dans un travail. Ceci n’est juste pas vrai. Il y a des gens qui ont renoncé à des carrières prometteuses pour se lancer à leur compte, et ont réussi avec brio. Et de toutes les façons, ne pas trouver du travail et se lancer à son compte n’est certes pas facile, et peut-être pas le premier choix pour plusieurs, mais beaucoup de gens ont remercié le ciel de ne pas avoir trouvé un travail, car sinon ils n’en seraient pas là où ce parcours entrepreneurial les a menés.

L’entrepreneuriat n’est pas une voie pour se faire de l’argent rapidement. Si vous voulez décocher le jackpot, pourquoi ne pas essayer la loterie tout de suite ? Avec un peu de chance, vous arriverez à réaliser votre rêve. Quelqu’un se dirait peut-être, je serai à mon propre compte, mon propre patron ; je ferai ce que je veux avec mon argent, avec mon temps, avec mes ressources. Mais rien n’est plus faux.

L’entrepreneuriat n’est pas une « carrière solo ».

Surtout lorsqu’ils sont du domaine informatique, on a à l’image ces entrepreneurs jeunes en blue-jeans et T-shirt à la « Zuckerberg », scotchés devant leurs ordinateurs durant des heures, à concocter des algorithmes et des applications. Bien que le travail dur et parfois solitaire soit le lot des entrepreneurs, cela n’est pas vrai tout le temps. Un entrepreneur réel connait l’importance des relations humaines et du travail en équipe, gage d’une réussite durable. Et les entrepreneurs se comptent dans toutes les catégories de personnes, des jeunes comme des vieux (oui vous avez bien lu), hommes comme femmes, sans emploi et employés (vous avez encore bien lu).

L’entrepreneuriat est avant tout une vocation.

C’est un appel intérieur pour répondre à des besoins extérieurs. Un entrepreneur regarde à son environnement, y décèle des besoins, et s’investit pour proposer les meilleures solutions. Il est conscient qu’il est doté de dons, aptitudes et potentialités dont la société a besoin pour progresser. Les entrepreneurs déploient plus d’efforts que dans la moyenne. Ils doivent à la fois avoir une vision, se fixer des objectifs et se mettre à les suivre. L’entrepreneuriat n’est souvent pas un chemin facile à parcourir. Mais la gratification qui en résulte est la meilleure des récompenses. Plus que les gains financiers, l’entrepreneur voit s’ouvrir devant lui tout un nouvel environnement qui jadis n’était qu’en lui-même enfoui.

Lorsque l’on regarde l’état de nos communautés, de nos villes, de nos pays, pour le moins que l’on puisse dire, le besoin en entrepreneurs est énorme. Nous avons besoin des gens qui créent des entreprises, et les domaines d’intervention sont multiples. Si dans les pays avancés les entrepreneurs, les PME et PMI constituent l’épine dorsale de leurs économies, à plus forte raison dans nos sociétés où beaucoup de choses sont à (re)faire !

En fonction de cela, je ne pense pas que l’on en fait déjà suffisamment pour la promotion de l’entrepreneuriat. Par nécessité ou par pur phénomène de mode, nous devons parler de l’entrepreneuriat, suffisamment et davantage pour que ceux qui en ont le potentiel et la vocation se relèvent et se révèlent, pour que les décideurs s’impliquent en créant des environnements légaux et fiscaux propices, et pour que les investisseurs se mobilisent et prennent le risque d’injecter les capitaux dans des idées et projets plus ou moins prometteurs. Ceci vaut pour que nous-mêmes aussi, en tant que citoyens, familles, amis, et associés, apprenions à apprécier, à encourager et à récompenser les efforts consentis par cette catégorie d’entre nous qui se lancent parfois dans l’inconnu, bravant la peur d’échouer, et parfois la peur de réussir (ah oui !), affrontant les multiples défis et obstacles du parcours.

L’entrepreneuriat est une voie pour nous réapproprier notre vie et notre avenir. Et c’est un chemin promis à tous.