Nairobi, Aéroport International Jomo Kenyatta, il est 2 heures du matin. Après les formalités d’usage, je quitte le bâtiment pour chercher un taxi à l’extérieur. Et là, devant moi, à ma grande stupéfaction, plus de la moitié de taximen sont des taxiwomen. Et c’est l’une d’elle qui me conduira jusqu’à mon hôtel.
Mais ma surprise ne s’arrête pas là. Dans la ville, la femme est amplement impliquée dans la vie économique, et sociale, et politique. Du cireur des chaussures, au haut-fonctionnaire de l’Etat, en passant par le conducteur des bus de transport en commun, elles sont bien présentes. Même parmi les participants à la Conférence des Interprètes et Traducteurs de la sous-région pour laquelle j’ai effectué le déplacement, les femmes sont valablement représentées.
Là je réalise (encore) qu’il y a quelque chose à améliorer chez nous. Il semble que nous nous privons et nous passons d’un énorme potentiel pour notre décollage économique. Ce n’est pas à dire que les femmes ne sont pas présentes ou actives dans notre société. Il y a beaucoup de compétences déjà en action ; mais l’on doit reconnaître que le fossé à combler est encore grand.

 

Piège de culture

A mon avis, une des principales causes à ce défi est tout d’abord un problème de mentalités, c.à.d. fondamentalement de la culture, ou de l’héritage culturel. Quand on a dans son jargon des adages comme « Mwasi atongaka mboka té » (les femmes ne peuvent pas bâtir une nation), cela en dit beaucoup sur cette culture, et de sa volonté de permettre, ou pas, à la femme de contribuer à l’édification d’une société meilleure.
Voyez-vous, la culture est l’épine dorsale d’une société. Elle sous-tend l’essentiel de ses agissements. Que ce soit dans les institutions, partis politiques, orchestres, même dans certaines églises, l’élément culturel ostracisant les femmes est prédominant. Les églises, par exemple, devraient être le fer de lance de la libération de la femme, au lieu de s’enfermer dans un traditionalisme dépassé et une interprétation erronée des Ecritures. Le Christ ressuscité n’est-Il pas apparu en premier à des femmes, faisant ainsi d’elles les premières apôtres de la résurrection ?
Il est temps que les uns et les autres, parents et éducateurs, responsables à tous les niveaux, prennent conscience du piège culturel pernicieux qui nous bloque, parfois sans que l’on ne s’en rende compte, et conjuguent les efforts nécessaires à l’éclosion d’une génération des femmes qui, à côté de leurs homologues masculins, posent le fondement d’une autre vision de choses.

 

Effort personnel

Ceci dit, une chose est de prôner la promotion de la femme, une autre est de la lui offrir gracieusement sans son propre effort. Bien qu’elle ait sa place et son rôle à jouer dans la société, elle se doit bien de mériter cette place. Une politique de discrimination positive (entre autre la parité) devra être en phase avec une volonté intérieure et personnelle de pouvoir se sortir du lot.
Marie-Chantal Kaninda, une femme qui elle-même a percé, ayant occupé des hautes fonctions dans l’industrie minière du diamant au pays, et maintenant sur le plan mondial, me confiait une fois sa préoccupation lorsqu’elle voit que beaucoup de femmes semblent manquer d’ambitions, de volonté d’aller loin, d’oser… C’est comme si ce qui comptait pour elles, c’était plus ce qu’elles allaient mettre sur leur tête (maquillages), et non dans leur tête (connaissances).
Bien que la parure extérieure soit importante pour la femme, il est également important de mettre les premières choses en premier, et savoir joindre l’utile à l’agréable. Cette combinaison assurera l’équilibre nécessaire à un développement personnel harmonieux.

 

Attention aux extrêmes

De nos jours, les mouvements féministes sont légion. Mais attention à ne pas plonger dans un certain extrémisme qui à la fin s’avérera nuisible plutôt qu’utile aux femmes. Il n’est pas par exemple question de remplacer les hommes par les femmes, mais de permettre aux deux de travailler de façon complémentaire, selon l’ordre de la création, car nul ne pourra aucunement prendre la place de l’autre.
Il n’est pas non plus question de remettre en question les valeurs fondamentales de la société. Si le mariage précoce est à dénoncer, le mariage lui ne doit pas être vilipendé, mais plutôt honoré de tous. Il ne sera pas une fin en soi ; mais s’il arrive, il sera un moyen pour s’accomplir, dans le cadre familial. Si la société souffre de l’absence de femmes, elle souffre bien plus de l’absence de vrais hommes, hommes réels, responsables de leurs maisons, et modèles pour leurs enfants.

 

Bon mois de la femme !

Est-ce un hasard que nous ayons repris nos publications durant ce mois de mars où nous célébrons la femme ? Nous souhaiterons le meilleur à toutes celles et tous ceux qui nous lisent.