Voilà un adage que beaucoup de gens connaissent très bien : « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire viennent aisément ». Dans notre livraison de ce mois, nous allons porter notre attention sur un mot dudit adage : »conçoit », ou mieux un verbe : « concevoir ». Il est en effet au centre de cette pensée ; les autres aspects (clarté de l’énoncé et facilité d’expression) dépendent de la manière dont se produit cette conception.

J’ai toujours conservé dans mon esprit cette observation que m’avait partagée un jour un partenaire ghanéen. Il me faisait remarquer qu’en termes de capacité de production d’une personne, l’input de l’effort physique est inversement proportionnel à ce que produit sa tête. Parlant de tête justement, et à titre d’exemple, la personne qui utilise sa tête pour soulever des sacs de farine, ou autres, gagnera moins que celle qui l’utilise dans la réflexion.

Il ne s’agit pas ici de minimiser le travail de ceux qui utilisent leur force physique ; la situation que traverse le monde aujourd’hui a poussé tout un chacun à reconsidérer l’échelle des valeurs, et à regarder la vie et les autres autrement. Seulement, la particularité de cette réflexion est qu’elle se rapporte à l’homme-entrepreneur comparé à lui-même. L’entrepreneur est appelé à toujours se remettre en question pour savoir s’il tire le meilleur parti des ressources à sa disposition et surtout de sa personne.

 

L’entrepreneur est en constante évolution. L’entrepreneuriat est en effet un parcours, un voyage. Et dans ce parcours, il est appelé à innover à tout moment pour pourvoir rester dans la course. J’aime bien l’illustration suivante : puisque la terre est toujours en mouvement (rotation autour d’elle-même, et translation autour du soleil), ceux qui s’y trouvent doivent toujours être en mouvement pour maintenir leur équilibre. C’est comme si vous étiez debout à l’arrière, à la carrosserie d’un camion en marche ; vous ne pouvez être en équilibre en restant fixe ; cela demande des ajustements.

En anglais on dit, “what brought you here won’t bring you there”. En d’autres termes, les connaissances qui vont ont permis d’atteindre le niveau que vous avez aujourd’hui, ne seront pas suffisantes pour vous projeter au prochain niveau ; il faut quelque chose de nouveau, il faut se réinventer. Et c’est là que la conception entre en jeu.

L’un des pièges que l’entrepreneur devra éviter, c’est celui de se fier à sa seule intelligence. Quoique l’intelligence soit une bonne chose, elle a bien ses limites. Certes, elle encadre notre quête de solutions nouvelles, et nous aide à matérialiser les découvertes qui en découlent. Le savant grec Archimède en avait fait l’expérience lorsqu’il lâcha le célèbre EUREKA ! C’est de cela dont nous parlons ici, un input extérieur à nous-même, qui combiné à ce que nous connaissons déjà, produit une autre dimension de productivité. Selon une autre définition, c’est une connaissance spontanée de la vérité, sans l’intervention du raisonnement (ou de l’intelligence).

Le mois écoulé, nous avons célébré la femme (ou mieux les droits de la femme), avec un appel ou un plaidoyer à plus de son implication dans le processus de la construction de la société (voir l’article conjuguer le développement au féminin). Dans le domaine de la conception, qui mieux que la femme peut en comprendre les contours et le vécu. Le processus de conception qui se passe chez elle peut bien illustrer le fond de cette publication.

Une femme ne devient pas enceinte parce qu’elle est intelligente ou parce qu’elle est bien constituée physiquement ou biologiquement. Un bon état physique et une dose d’intelligence sont sûrement des facteurs qui l’aideront à bien porter la grossesse, mais cette dernière est le fruit d’un dépôt de quelque chose (d’un apport extérieur, une semence) qui lui est extérieur. C’est quelque chose qu’elle reçoit. Tout ce qu’elle peut faire, c’est de se mettre dans les conditions pour recevoir (relation, intimité). Un bon physique et l’intelligence constituent la condition nécessaire, mais c’est le dépôt extérieur qui est la condition suffisante. Et le fruit de ce processus est quelque chose d’unique, de non-imitable.

De même, un entrepreneur est appelé d’une part à se former, s’informer et se structurer, mais plus important encore, il se doit, s’il veut aller loin et être en constante évolution, se mettre dans de bonnes conditions pour capter ce qui fera de lui quelqu’un toujours en avance sur la concurrence.

Quoi de mieux, en cette période spéciale de confinement, que de tirer parti de cette situation tant unique qu’insolite, en se mettant dans des conditions propices pour recevoir et concevoir !

Joyeuse saison pascale !