Plus tôt en début du mois d’octobre, le Prix Nobel de la Paix 2018 a été décerné pour la toute première fois à un fils du Congo RDC, en la personne du Docteur Mukwege Denis. Ce médecin a consacré sa carrière, parfois au péril de sa vie, à « réparer les femmes », c.à.d. en apportant des soins de chirurgie reconstructive aux femmes et filles victimes des viols et violences sexuelles perpétrés dans l’Est instable du pays.

Cette récompense internationale venait couronner des années d’effort, de sacrifices, de travail ardu et hardi d’un homme qui avait décidé, quelques vingt ans auparavant, de ne pas rester indifférent aux problèmes de sa communauté. Etant par surcroît homme de Dieu, il a compris le sens profond de l’appel qui était sien, et qui est aussi celui de toute personne : vivre pour amener la différence dans sa propre vie et celle des autres.

Au-delà des discussions et interprétations de tous bords, nous pouvons nous accorder que l’heureux lauréat a impacté son monde, proche et lointain. Et cette actualité m’a poussé à réfléchir sur une autre forme d’entrepreneuriat, qu’on qualifie d’entrepreneuriat social. C’est une forme d’entrepreneuriat qui s’est développée au début des années 2000, mais qui pour autant existe depuis bien longtemps.

A la différence des sociétés ordinaires, qui répartissent les profits entre les actionnaires, l’entrepreneuriat social réinvestit ses gains dans l’activité. Quoique les deux types proposent essentiellement des solutions aux problèmes des consommateurs, l’entrepreneuriat social se distingue particulièrement par le focus à apporter un soulagement à des problèmes sociaux, sanitaires ou environnementaux.

En plus, ce n’est pas qu’ils n’ont pas besoin de profits, mais les entrepreneurs sociaux utilisent leurs revenus pour amplifier leurs actions et l’impact de celles-ci. A la différence des œuvres de charité et de la philanthropie qui fonctionnent sur base des dons, financements externes et/ou libéralités, les entrepreneurs sociaux produisent eux-mêmes leurs revenus, pour les reverser dans les activités caritatives.

Un des exemples typiques les plus cités, est celui d’un restaurant dont les recettes sont utilisées pour fournir des logements aux sans-abris. Un autre exemple réel est celui de cette banque asiatique dont les bénéfices servaient à offrir de petits prêts aux personnes autrement exclues du système bancaire, parce qu’elles ne pouvaient pas offrir des garanties ou hypothèques. C’est de là même qu’est né le concept de microcrédits.

 

Servir, et non se servir

C’est toujours avec un certain sourire que je me rappelle de cette devise d’une époque révolue. Les personnes qui la scandaient promettaient de se mettre elles-mêmes ainsi que leurs postes et compétences au service du bien-être commun ; mais dans la pratique, presque tout le monde savait que ces gens faisaient exactement le contraire. Comme dirait quelqu’un, ils appliquaient dans un certain sens la signification du mot investir, c.à.d. mettre dans la veste.

Malheureusement, cette mentalité n’a pas disparu avec le temps (qui a dit que le temps seul arrange les choses ?). Aujourd’hui encore, il y a des gens qui décident soi-disant de se lancer dans l’entrepreneuriat social, mais leurs motifs ne sont pas toujours corrects. Et d’ailleurs, ils ne s’en cachent même pas.

Peut-être avez-vous déjà entendu parler des promoteurs qui décident de créer des « ONG », mais pas vraiment pour poursuivre une mission donnée. Leur véritable objectif, c’est de lancer des structures qui leur permettront de faire le business en évitant par exemple de payer des taxes. Ou bien, seulement pour attirer des financements, sans véritablement chercher à apporter le progrès social pour lequel ils ont ouvert boutique.

 

Jamais l’un sans l’autre

Malgré la différence ci-dessus mentionnée entre l’entrepreneuriat ordinaire et l’entrepreneuriat social, nous pouvons néanmoins reconnaître que les deux recherchent à apporter un certain impact positif auprès des consommateurs de leurs services. Comme on le dit en anglais, business is about people. On ne peut pas faire les affaires en restant tourné sur soi. Et les entrepreneurs sociaux s’y donnent donc à fond.

C’est cette forme d’entrepreneuriat qui a même poussé les entreprises à but purement lucratif à vouloir donner un visage social à leurs activités. De là est né le concept de responsabilité sociale d’entreprise : les entreprises s’engagent à mener leurs activités d’une manière économiquement viable et en assurant un impact social positif.

 

Les entrepreneurs sociaux ont décidé de faire du bien aux autres ; mais pour que leur bienfaisance ne dépende pas de la bonne volonté d’un tiers, ils préfèrent produire eux-mêmes les moyens de leur politique. Le Dr Denis Mukwege n’a peut-être pas le label d’entrepreneur social, mais son travail et son impact n’en sont pas pourtant loin.

Et vous donc, quelle idée vous faites-vous de ce type d’entrepreneurs ?