Pour tous ceux et toutes celles engagés dans la vie professionnelle, les journées sont remplies de travail. Il y a toujours des tâches à accomplir, des choses à faire, des targets à atteindre, des réunions à préparer, des rapports à soumettre… Et parfois ceci dure depuis des années. Le rythme semble ne pas s’estomper. Par contre, on peut avoir l’impression que plus le temps passe, plus on a des choses à faire. Plus on gravit d’échelons, plus les responsabilités s’accumulent et parfois deviennent pesantes ou stressantes. Dans ce monde devenu un village planétaire, les choses vont à une vitesse frénétique. Même si on ne travaille pas dans une entreprise multinationale, les paramètres (macro)économiques sont devenus si interconnectés que ce qui se passe à des milliers de kilomètres de chez vous peut vous affecter sans que vous n’ayez eu le temps de le réaliser. Tenez par exemple, quelqu’un quelque part dans un pays lointain peut développer une application qui met en péril l’existence même de votre métier, ou de votre entreprise. Dans une situation de ce genre, non seulement il y a toujours beaucoup à faire, avec la pression que vous imposent votre employeur et la concurrence, mais il y a ce qu’on peut qualifier d’insécurité professionnelle ou précarité du travail qui vous guète. Cette dernière pouvant relever d’une cause prochaine ou lointaine.
Mais, il ne s’agit pas ici de voir les choses sous un angle péjoratif ! Du tout ! Le travail est une bénédiction pour l’homme, le travail ennoblit l’homme, le travail apporte l’indépendance, surtout financière ; le travail est le trésor le plus précieux de l’homme. Chaque fois que l’on parle du taux de chômage, c’est un rappel qu’il y a des gens qui continuent à en chercher et que vous êtes bénis d’en avoir un. En effet, avoir un travail permet de contribuer au bien-être personnel et collectif. En travaillant, on se sent utile et estimé. Le salaire que l’on en reçoit est une forme de reconnaissance de ce que vous faites et une récompense pour l’effort fourni et le progrès qui s’en suit.
Cependant, pour quelque chose qui occupe autant de place dans notre vie, il est souhaitable d’en cerner les contours pour ne pas s’y donner vaille que vaille. En effet, pour tout ce que nous faisons, comprendre pourquoi nous le faisons et comment nous le faisons peut s’avérer plus important que la chose elle-même. Il est dit que lorsque le but d’une chose est ignoré, son abus est inévitable. Ces abus peuvent se manifester sous forme de pépins de santé, de dépressions, de perte d’intérêts. Notre conception du travail détermine la manière dont nous nous y engageons, et le rendement que nous en obtenons.
Le travail n’est pas d’abord un gagne-pain
Avoir de quoi vivre, payer les factures (loyer, eau et électricité), assurer la scolarité des enfants, pourvoir à ses propres besoins et à ceux de ceux qui dépendent de nous, … voilà autant de raisons qui font quitter plusieurs de leur lit le matin et les mettent sur la route du travail, ou de la recherche du travail. Il est vrai que par notre travail, nous pouvons arriver à couvrir toutes ces charges qui nous incombent. Mais le travail vaut beaucoup plus. Subvenir à nos besoins est seulement une conséquence du travail, mais il n’en est pas l’essence. Le but du travail c’est d’abord l’ennoblissement, l’épanouissement de l’homme.
C’est cette peur de ne pas pouvoir être en mesure de subvenir à ces besoins vitaux qui poussent les gens à accepter n’importe quel boulot, même si celui-ci ne leur apporte aucune satisfaction personnelle. Mais ceci ne devrait aucunement constituer la motivation à travailler.
Notre travail ne définit pas notre identité
Qui nous sommes détermine ce que nous faisons, mais ce que nous faisons ne définit pas nécessairement ce que nous sommes. S’il y a un piège dans lequel on tombe souvent, c’est celui de fusionner notre personne avec notre travail. Ceci se manifeste surtout chez ceux qui ont exécuté le même métier pendant de longues années ou décennies. Au quotidien, vous entendez les gens se présenter comme suit : « Je m’appelle Docteur Tel, Ingénieur Tel, Pasteur Tel, … ». D’autres ne se font même plus appeler par leurs noms, mais par leurs fonctions : Conseiller, Maître, DG, Boss… Même s’il y a des métiers auxquels on est lié à vie, l’idée ici c’est de pousser à rechercher la nouveauté, à s’adapter et à saisir les occasions nombreuses qui s’offrent avec les évolutions techniques et technologiques. A ne pas s’enfermer et s’interdire d’évoluer.
Le risque de fusionner sa personne et son travail se manifeste par exemple lorsqu’il faut changer de métier, ou quitter un poste qu’on a occupé longtemps et qui est devenu une sorte de seconde nature. Je pense qu’il est bien de temps en temps de changer de vie. Dans certains pays, les gens peuvent exercer jusqu’à trois ou quatre métiers durant leurs vies actives, se découvrant ainsi chaque fois de nouvelles facettes et capacités. On appelle cela la mobilité professionnelle. La mobilité professionnelle offre d’énormes avantages sur le plan individuel. Elle permet d’accéder à de nouvelles compétences et offre de nombreuses opportunités professionnelles. Elle ouvre également les portes sur de nouveaux environnements de travail, une nouvelle culture et parfois une nouvelle langue. C’est un gage de la remise en question et de la capacité à se rendre toujours utile quelque soient les changements intervenus entretemps.
La performance au travail ne détermine pas notre valeur
La tentation est souvent très forte. Ailleurs elle a amené même à des excès. On pense que plus on fait, plus on se sentira bien, ou on impressionnera le patron, et on tombe quelquefois dans l’autre excès de se croire indispensable au point de penser qu’il n’y a personne d’autre qui peut le faire ; on est bien obligé(e) de le faire.
Pour de bonnes ou de mauvaises raisons, beaucoup de travailleurs ou entrepreneurs laissent le souci d’une meilleure performance au travail leur voler leur bonheur et leur équilibre personnels. Mais il est important de savoir faire la part des choses. Nous ne sommes pas meilleurs parce que nous avons donné de bons résultats, parfois au détriment de notre santé, vie familiale, bien-être intérieur… Si nous pensons nous sentir bien parce que nous avons eu une bonne prestation professionnelle, l’inverse aussi sera vrai : nous nous sentirons mal, coupables, déprimés… lorsque les choses iront mal. Dans le célèbre poème « Tu seras un homme, mon fils », Rudyard Kipling nous exhorte à savoir regarder et la réussite et l’échec avec détachement.
Busyness is not business
Le nombre d’heures alignées au travail n’est pas nécessairement synonyme d’un travail bien fait. On peut bien s’activer pendant longtemps sans vraiment avoir des résultats à démontrer. S’il y a quelque chose qui nous guette au travail, et dans lequel facilement on peut tomber, c’est bien la… paresse. Un penseur a dit : « Le cerveau commence à travailler depuis le moment où on se réveille et s’arrête quand on arrive au travail ». Pourquoi cela ? Eh bien, tout simplement parce qu’on se laisse aller à la routine, à la facilité. Il n’y a plus de nouveauté, des idées fraîches, de remise en question dans ce qu’on fait.
Et la paresse dont il est ici question, c’est la paresse intellectuelle. On se refuse à réfléchir. Pourvu que l’on gagne son salaire, pourvu qu’on occupe ses journées, pourvu que l’on ait de quoi payer ses factures ! Et pourtant ! Il faut se réveiller avant d’être brusquement réveillé par le changement. En réfléchissant un peu, on peut se rendre compte que le changement s’impose. Est-ce qu’il faut améliorer ceci ou cela ? Est-ce qu’il faut envisager de chercher ailleurs ?
Nous célébrons cette semaine la fête internationale du Travail. Le travail en effet mérite d’être célébré, surtout quand on en a un. Par contre, ce travail ne doit pas être une dune de sable dans laquelle on plonge sa tête en faisant la politique de l’autruche, et ignorer les dynamiques internes et externes. Si le travail nous épanouit, alors nous avons besoin de voir des changements positifs liés à celui-ci. Y a-t-il de la vie dans notre travail, ou bien c’est seulement de la routine, une sorte de paresse intellectuelle, parce qu’on refuse de changer et de passer à autre chose ? Et, une façon de savoir s’il y a la vie dans quelque chose, c’est par la croissance. La croissance est la preuve qu’il y a la vie. Posons-nous la question suivante : Est-ce que notre vie professionnelle bourgeonne de vie ?
Bonne Fête du Travail !