Les histoires à succès (ou success stories), plusieurs en raffolent. Et ceci n’est que normal, car comme le disait Bill Gates lors d’une émission, il y a tellement de mauvaises nouvelles aux infos qu’on ne s’aperçoit pas qu’il y a aussi de bonnes choses qui se produisent. Et la réussite d’un entrepreneur mérite d’être célébrée, par lui-même et par les autres, car c’est un parcours pas si facile ; les statistiques à cet effet sont éloquentes.

Cependant, c’est le sens donné à cette célébration qui peut susciter des questions. Il y a le plus souvent une tendance à exagérer les faits. C’est à l’exemple du concept de « self-made man » que vous devez avoir rencontré plus d’une fois. Tout le monde acclame cet entrepreneur à succès qui « s’est fait seul ». Il a forgé son empire économique de « ses propres mains ».

Est-il vrai que quelqu’un, qui qu’il soit, puisse réellement se faire seul ? Même en imaginant que la personne a démarré à partir de (presque) rien et a monté un business qui réussit bien, peut-on vraiment, de manière absolue, soutenir l’idée que la personne ait eu seule la maîtrise de tous les facteurs ayant mené au succès ?

 

Au-dessus de l’Atlantique

C’est un de hauts faits de l’histoire moderne. Après des essais et échecs de plusieurs personnes, Charles Lindbergh finit par réussir l’exploit de relier, seul, pour la première fois par avion, l’Amérique et l’Europe en 1927.  Cet exploit fit de lui un héros de deux côtés de l’Atlantique. Fait intéressant, il raconte qu’à un moment donné du vol, il sursauta sur son siège et se rendit compte qu’il s’était endormi, au-dessus de l’océan, laissant son appareil sans contrôle.

Si les gens l’acclamaient et le célébraient, lui savait en lui-même qu’il ne pouvait pas s’attribuer le crédit de toute sa réussite. Il était conscient qu’il y avait plus que lui-même qui avait contribué à ce qu’il venait de réaliser. Tant dans son instant de somnolence en plein ciel que dans ses préparatifs sur la terre, d’autres mains avaient apporté une pierre à sa réussite : la Providence, les collaborateurs, les financiers, les amis et proches…

 

Partie d’un tout

Le Créateur a conçu son monde de manière à encourager la collaboration, l’interdépendance et non l’indépendance ni la dépendance. Les parties du corps humain sont complémentaires, et si l’une d’elles souffre, tous les autres souffrent avec elle.

Mais plusieurs imaginent encore l’entrepreneuriat comme une vie tournée sur soi. On a eu son idée du siècle, et on pense que s’y mettant seul, on arrive à bout de ses peines. C’est peut-être parce que dans nos milieux, on s’y réfère en des termes comme : carrière solo, se mettre à son propre compte, être son propre patron… Toutes ces expressions recèlent cette idée de « chevalier solitaire ».

Ce n’est pas une surprise que quand un entrepreneur sort du lot, les outsiders, c.à.d. ceux qui le voient de l’extérieur pensent qu’il s’en est sorti seul. Ou alors, c’est l’entrepreneur lui-même qui s’y méprend, et considère qu’il s’est forgé par sa propre force. Quel que soit le scénario, si les publicistes reprennent ce solo en chœur, tout ceci ne fait que davantage renforcer cette conception.

 

Toujours humble

Vous le savez peut-être déjà, l’orgueil précède la chute, et l’humilité la gloire. En réalité, un vrai entrepreneur a la mentalité de serviteur ; il est au service de sa communauté. Et personne n’aimerait avoir un serviteur (un domestique) imbu de lui-même. Etre humble est une force. En anglais on dit, « meek but not weak ». Comme le rend quelqu’un, « l’humilité, ce n’est pas penser en moins de soi-même, mais penser moins à soi-même ».

Il est vrai qu’être entrepreneur demande un certain talent. Plusieurs se sont lancés dans des activités rien que sur cette base, et ont bien réussi. Cependant, avec le temps, ce n’est pas seulement le talent qui compte. Le talent vous propulse au sommet, mais c’est le caractère qui vous y maintient, dit-on. Se considérer comme seul artisan de sa réussite n’est pas certainement un bon trait de caractère.

Dans mon parcours d’entrepreneur, je suis personnellement reconnaissant pour les inputs ô combien précieux de plusieurs personnes. Ceux qui m’ont fait remarquer, il y a bien longtemps, que parler anglais était un atout d’affaires, alors que pour moi, c’était juste une passion. Et ceux et celles qui m’ont offert mes premières opportunités de travailler. Certains  m’ont recommandé chez leurs partenaires. Chez d’autres, j’ai appris à organiser mes activités…

Si une voix me souffle à l’oreille que je suis self-made, je sais à quoi m’en tenir. Et vous, quelle idée vous faites-vous de ce concept du self-made man/woman ?